• L'ordre et la morale de Mathieu Kassovitz

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    L'ordre et la morale

    de Mathieu Kassovitz

    France (2011) Drame / Thriller historicopolitique

     

    L'ordre et la morale de Mathieu Kassovitz

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    Après une escapade pas vraiment fructueuse du coté des USA (le sympathique Gothika et le très dispensable Babylon A.D) Mathieu Kassovitz retrouvait la France pour réaliser un projet qu'il portait en lui depuis plus de dix ans. Dix ans de préparation et de tractations avec le peuple Kanak afin de monter ce projet revenant sur les événements de la prise d'otages d'Ouvéa datant de 1988. Le metteur en scène de La haine et Assassin(s), souvent étiqueté comme réalisateur engagé, retrouve en tout cas avec L'ordre et la morale toute la puissance de son cinéma.

    L'ordre et la morale est donc le récit des dix jours durant lesquels un groupe d'indépendantiste kanak ont pris en otages 30 gendarmes pour faire entendre leurs voix. En pleine période de second tour électoral la France décide d'un déploiement de force exceptionnel afin de montrer son inflexibilité face à ceux qu'elle juge comme des terroristes. Au milieu d'intérêt politique et d'une volonté de répression, le capitaine du GIGN Philippe Legorjus va tenter de nouer le dialogue avec les indépendantistes afin de trouver une issus pacifique.

    L'ordre et la morale de Mathieu Kassovitz

    L'ordre et la morale est un film qui happe le spectateur dès les premières images pour ne plus le laisser jusqu'à son générique de fin. Mathieu Kassovitz réussit tout à la fois un film historique, une œuvre viscéralement engagé, un thriller tendu, un film de guerre et un drame puissant. La grande force du film de Kassoivtz est aussi de mettre en lumière la puissance d'un récit dont on ne connait finalement que des brides et quelques raccourcis. Un devoir de mémoire que le réalisateur honore avec un soucis évident de mettre en lumière l'âme du peuple kanak longtemps stigmatisé par ce fait divers. Tout comme des millions de français je n'ai de cet épisode dramatique que des souvenirs flous et éparses dont ressortent essentiellement la description médiatique de l'attaque de la gendarmerie par les indépendantistes qui parlait à l'époque de meurtres barbares, de décapitations, de viols et même de cannibalisme. A l'aide de témoignages d'acteurs des événements et du livre  Enquête sur Ouvéa , Mathieu Kassovitz construit alors un film qui se veut le plus proche possible des faits (tout en étant fatalement partisan) afin d'en établir une vérité trop longtemps bafouée. Le film commence d'ailleurs par le flou d'un souvenir avant d'enclencher un processus de mémoire conduisant sur une réflexion finale sur le mensonge et la vérité.

    L'ordre et la morale de Mathieu Kassovitz

    Si L'ordre et la morale est incontestablement un film militant il est aussi un vrai bon moment de cinéma. Le récit traité comme un thriller en forme de course contre la montre est absolument palpitant, l'intensité dramatique se dessine lentement à mesure que le film avance et les enjeux moraux du personnage principal, interprété par Kassovitz lui même, finissent pour envahir aussi la tête et le cœur du spectateur. Et puis Kassovitz ose proposer ce que tellement de réalisateurs français semblent avoir renoncer à faire, c'est à dire de la mise en scène. Le flashback racontant l'épisode de la gendarmerie filmé en plan séquence avec les personnages se promenant au sein même de l'action est assez saisissant, tout comme l'assaut final durant lequel Legorjus (Kassovitz) perd lentement ses repaires en s'enfonçant dans la forêt comme dans un cauchemar. Kassovitz ne se cache jamais derrière la force de son sujet pour oublier de faire du cinéma immersif, intelligent, intense et surtout audacieux. On pourra sans doute se moquer des fantômes un poil trop lourd à porter qui flotte sur le film (Coppola, Malik) et d'une construction mécanique proche de La haine mais Kassovitz ose traiter par l'image ce que tant de réalisateur préféreront exprimer par un dialogue. Et au delà même de l'image Mathieu Kassovitz parvient tout simplement à captiver, interroger, révolter et émouvoir pendant plus de deux heures.

    L'ordre et la morale de Mathieu Kassovitz

    Malheureusement L'ordre et la morale comporte aussi quelques maladresses bien emmerdantes au moment de défendre le film. On regrettera surtout une poignée de dialogue bien trop didactique semblant être récités sans trop de conviction par des comédiens prêchant plus une bonne parole que jouant la comédie. Si la mise en scène de Kassovitz est assez irréprochable en revanche sa direction d'acteurs laisse parfois un peu à désirer et quelques personnages peut être trop caricaturaux ont du mal à sonner tout à fait juste comme la femme journaliste ou le général de brigade. C'est d'autant plus dommage que ces instants détonnent fortement au milieu d'un récit globalement porté par d'excellents acteurs qu'ils soient professionnels ou amateurs. Mathieu Kassovitz confirme qu'il est toujours aussi bon acteur que réalisateur et s'entoure par soucis de véracité de véritables Kanaks tous assez criant de vérité ( L'excellent making of montre d'ailleurs leur implication un peu trop forte sur les scènes de violence).

    L'ordre et la morale de Mathieu Kassovitz

    Je ne pouvais pas terminer cette critique sans parler du formidable making-of intitulé Le dernier assaut présent sur le Dvd et Blu-ray du film. Réalisé par Sylvain Pioutaz ce documentaire nous plonge dans le durant 67 minutes dans les coulisses du film en racontant à la fois l'histoire humaine du tournage et ses difficultés logistique (Manque de temps, décor à trouver en urgence, tensions..) Mais ce qui marque le plus de son empreinte ce making-of reste l'émotion intense qui se dégage de l'implication des Kanaks à vouloir enfin pouvoir témoigner de leur histoire. De nombreux acteurs Kanaks du film sont en fait des frères, des proches, des fils de celles et ceux qui ont vécus plus de vingt ans en arrières les événements dramatiques d'Ouvéa. Le fait de les voir en larmes devant certaines reconstitutions, de les regarder devoir jouer des choses qui les ont bouleverser par le passé vous colle immanquablement la chair de poule et les larmes au yeux. Paradoxalement je pense même que le making of est plus intense et magnifique sur le registre de l'émotion que le film lui même. L'implication de Kassovitz à vouloir retranscrire l'âme magnifique de ce peuple transpire à chaque seconde de ce documentaire absolument formidable.

    L'ordre et la morale est donc un film à redécouvrir en DVD après son échec terriblement injustifié au cinéma. Un film dense et intense qu'il faudra absolument compléter par son formidable making-of qui achève de faire de L'ordre et la morale un achat indispensable.

     

    Ma note 08/10

     

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