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Millenium, Les hommes qui n'aimaient pas les femmes
(The girl with the dragon tatoo)
de David Fincher
USA/Suède/Allemagne (2012) – Thriller / Suspens Ikea
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A peine deux ans après le Millenium de Niels Arden Oplev, Hollywood s'empare comme souvent du phénomène et met en chantier un énième remake aux couleurs presque locales. La petite différence avec ce type de projet généralement assez douteux reste la présence de l'un des meilleurs réalisateurs actuellement en exercice à la barre du projet en la personne de David Fincher. Il convient aussi de ne pas oublier le fait que avant d'être un film Millenium reste un roman pouvant inspirer plusieurs adaptations. Impossible toutefois de totalement oublier le film de Niels Arden Oplev et de ne pas se laisser tenter par le petit jeu de la comparaison avec le film de Fincher ....
Millenium c'est l'histoire de Mikael Blomkvist un journaliste mis sur la touche à la suite d'un procès en diffamation perdu. L'homme accepte alors d'enquêter pour le compte d'un riche industrielle sur la mystérieuse disparition de sa nièce survenue presque quarante ans plus tôt. Mikael engage alors comme assistante une jeune femme marginale et rebelle mais véritable crack en informatique dont l'esprit d'analyse et de synthèse dépasse l'ordinaire. Ensemble ils vont tenter de mettre à jour une vérité enfouit depuis près d'un demi siècle...
La première chose absolument évidente qui saute aux yeux à la vision de ce nouveau Millenium c'est la qualité de mise en scène de David Fincher qui enfonce sans trop forcer l'esthétique télévisuelle et le rythme assez mou du film de Niels Arden Oplev. L'enquête dont nous connaissons déjà pourtant l'issu et la mécanique redevient assez passionnante sous la caméra de Fincher qui donne au récit une densité et un suspens qui objectivement faisait parfois défaut au film suédois. Un sacré paradoxe donc et un sacré tour de force aussi de la part de Fincher de rendre presque plus intéressant que dans le film d'origine un récit dont on connait pourtant déjà la fin. David Fincher installe un véritable climat de tension et de malaise parfaitement soutenu par un formidable sound design et la musique monstrueusement stressante de Trent Renzor (Lost Highway) et Atticus Ross. Le simple bruit d'un courant d'air dans l'immense maison froide et désincarné de Martin Vanger devient par exemple une source de malaise et d'inconfort. David Fincher a également l'excellente idée de ne pas délocaliser l'action et de garder ainsi le rythme sec et un peu engourdit par le froid de l'intrigue. On pouvait pourtant craindre le pire après un générique de début, certes absolument magnifique, mais un poil à coté de la plaque dans son esthétique trop tape à l'œil entre clip et publicité. Si le Millenium original semble fatalement beaucoup plus ancrée dans une esthétique et un rythme typiquement nordique, le film de Fincher a le très bon goût de ne jamais céder à une surenchère d'effets devenus les marques de fabrique systématique des thriller et psychokiller américains. David Fincher dans une mise en images finalement assez classique parvient à donner à cette enquête toute l'intensité dont elle a besoin. Le réalisateur de Seven et Fight Club nous livre toutefois deux trois moments de purs mise en scènes aux images particulièrement marquante comme la vengeance sauvage de Lisbeth ou la poursuite finale.
Au niveau du casting le film opère quasiment un sans fautes confirmant que Fincher est autant un formidable directeur d'acteurs qu'un faiseur d'images. Daniel Craig incarne un Mikael Blomkvist vraiment charismatique, charmeur et pugnace qui parvient sans peine à faire oublier le pourtant formidable Michael Nyqvist de la version originale. Les seconds rôles sont tout aussi convaincant même si l'identification aux personnages étaient plus facile dans la version suédoise du fait de visages souvent bien moins connus que ceux de Christopher plummer, Robin Wright ou Stellan Skarsgard. Il reste ensuite le cas Rooney Mara qui incarne en toute objectivité une formidable Lisbeth Salander mais qui pour moi ne parvient jamais à faire totalement oublier l'extraordinaire présence de Noomi Rapace dans le film de Oplev. C'est peut être le simple fait d'avoir associer en tout premier le physique et le visage du personnage à celui de la comédienne suédoise mais pour moi Lisbeth reste Noomi Rapace. J'aime l'aspect plus monolithique et abrupt de la Lisbeth du film original et bien moins la fragilité sous la carapace de la femme amoureuse de Blomkvist dans le film de Fincher. Encore une fois cela n'entame en rien les qualités de Rooney Mara et la force de son interprétation mais ma préférence va incontestablement vers le charisme naturel de Noomi Rapace.
Pour le reste le Millenium de Fincher comporte pour moi les mêmes qualités et les mêmes défauts que celui de Niels Aden Oplev avec essentiellement cette fin à rallonge qui n'en finit plus de finir. Pour moi le film se termine assez clairement après la résolution complète de l'enquête et la transformation de Lisbeth en super agent secret détournant des fonds pour sauver la réputation de journaliste de Blomkvist me laisse totalement de marbre pour ne pas dire plus. J'ai également une sensation, bien plus qu'une véritable certitude, que le film de Oplev possédait une ambiance un peu plus trouble et glauque que dans le film de Fincher notamment lors de la visite au vieux nazi de la famille. Assez bizarrement je trouves également que l'affrontement finale entre Blomkvist et le tueur était plus intense dans le film suédois, c'est étrange mais la galerie d'outil oranges accrochés au mur façon Hostel et l'utilisation incongrue du Orinoco flow de Enya m'ont fait bien plus sourire que frissonner.
Au final Millenium est incontestablement un très bon film et un excellent remake qui par la simple intensité de la mise en scène de Fincher permet de dépasser un poil son modèle suédois. Après l'écart reste pour moi suffisamment mince pour ne pas faire du film de Fincher une référence absolue. Le fait d'avoir découvert les personnages et l'intrigue dans le contexte strictement suédois du film de Niels Aden Oplev a sans doute un peu biaiser mon regard sur le film de Fincher et puis c'est toujours difficile de totalement adhérer à un thriller dont on connait déjà toute la construction et la fin. Si j'osais, je dirais presque que ce Millenium n'est qu'un bon remake inutile de plus....
Les notes:
Millenium version Niels Aden Oplev 07/10
Millenium version David Fincher 08/10
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Présumé coupable
de Vincent Garenq
France (2011) – Drame / Chronique d'une horreur judiciaire
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Nous avons tous encore en mémoire ce terrifiant fait divers d'Outreau datant de 2001 et les souvenirs de l'emballement médiatique, de l'émotion brut et du sentiment premier de dégout envers cette présumé affaire de réseau pédophile. Plus tard ce fait divers deviendra l'un des plus grand scandale judiciaire de ses dernières années et la démonstration par l'absurde de la machine à broyer que peut être la justice. Une histoire plus folle, plus dramatique et plus intense que ne pourrait l'imaginer un scénariste et qui prend pourtant corps au cinéma sous la caméra de Vincent Garenq à travers le calvaire de Alain Marécaux, l'un des innocents accusé d'Outreau.
Un matin de 2001, le destin de Alain Marécaux va basculer lorsque la police pénètre chez lui et le conduit pour une garde à vue sur une accusation de viol sur mineurs de moins de quinze ans. Persuadé que cette accusation fantaisiste ne tiendra pas la route et que son innocence sera vite mise à jour Alain Marécaux est alors loin de se douter que débute pour lui un calvaire judiciaire et humain qui durera plus de quatre ans.
Avec Présumé coupable le réalisateur Vincent Garenq a choisit de traiter de cette affaire incroyable uniquement à travers le destin de l'un de ses protagoniste. Le film ne traite donc pas de l'affaire d'Outreau dans sa globalité mais du destin d'un homme dont la vie va se retrouver totalement détruite par l'emballement d'une machine judiciaire froide et désincarnée. On pourra donc regretter que le film ne dresse pas un portrait plus large et complet de cette histoire aussi effrayante que fascinante dans sa dimension dramatique. L'emballement et la responsabilité des médias avides de sensationnalisme est par exemple totalement absente du film tout comme l'horreur bien réel subit par les enfants victimes des deux couples condamnés. Mais à travers le destin d'un homme Présumé coupable porte à la fois la parole de tous les innocents brisée d'Outreau et plus largement de celles et ceux qui se retrouvent écrasés dans les rouages infernales d'une instruction judiciaire. On reste effectivement sans voix devant l'instruction à charge du juge Burgaud, devant les accusations fantaisistes sans la moindre preuve prises pour des faits, devant cette machine froide qui va conduire doucement cet homme au bord du gouffre. Vincent Garenq filme sec et froid, caméra à l'épaule, restant au plus près son personnage,tentant de le suivre dans les couloirs labyrinthique de cette affaire tellement invraisemblable qu'elle ne peut être que authentique. Sans la moindre emphase, sans pathos, sans effet de style et épuré de toute musique Présumé coupable est un film qui possède la véracité du documentaire et la puissance du brûlot d'un film en colère. Vincent Garenq nous plonge au cœur de cette histoire au point de nous en faire ressentir les sentiments, d'incompréhension, de colère et de désespoir de son personnage.
C'est le comédien Philippe Torreton qui incarne à l'écran Alain Marécaux. L'acteur livre une performance absolument saisissante qui vous reste longtemps en mémoire une fois le film terminé. Physiquement le comédien a donné de sa personne allant jusqu'à perdre 27 kilos pour incarner son personnage lors de sa grève de la fin. Les images de son corps totalement décharné sont assez effrayantes mais peut être moins encore que les regards bouleversant de cet homme qui voit sa vie intime, familiale et professionnel s'effondrer sous le poids de l'injustice. Visiblement très investit humainement par son rôle Torreton bouffe l'écran et donne un corps douloureux au véritable calvaire en forme de martyr de cet homme. Torreton trimballe sur ses épaules un film qui transpire de toute la rage et de tout le désespoir de ses innocents salis et humiliés par ce fait divers. Il faut aussi saluer la performance de Raphaël Ferret étonnant de ressemblance avec le juge Burgaud qui incarne avec classe le détachement insupportable et méprisant de son modèle.
Présumé coupable est donc une très bonne surprise, un film fort et intense servi par une mise en scène assez irréprochable dans ses intention et un comédien visiblement hanté par le rôle et sa dimension sociale et humaine. C'est toujours agréable de voir des film français qui ont des choses à dire et qui le font avec autant de force, de rage, de tact et d'intelligence. Le plus effrayant c'est encore ce sentiment de rouages mécaniques dans lesquels quiconque pourrait soudainement se retrouver happé et totalement broyé, le film laissant ce sentiment très désagréable que rien ne pourrait empêcher que la descente aux enfers de Alain Marécaux soit un jour la nôtre. De ce point de vu là Présumé coupable est un film absolument et maladivement terrifiant... mais indispensable.
Ma note: 07,5 /10
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Un mois de février assez exceptionnel avec 29 jours pour se bouffer du film au lieu de 28. L'occasion d'aller voir et revoir, en salle ou lamentablement affalé dans son canapé une petite sélection de films.
Dans les salles obscures:
L'incontournable de Février sera sans doute Cheval de guerre de Steven Spielberg même si j'avoue qu'au départ le concept du film ne m'attirait pas vraiment. Mais comme Spielberg reste l'un des plus grand conteur et réalisateur en activité, ses nouveaux films restent des moments incontournables pour tout cinéphile qui se respecte.
Autre film qui ne m'attire que par la présence de son réalisateur c'est La taupe de Tomas Alfredson (Morse). Je n'ai jamais été vraiment fan des films d'espionnage mais Alfredson, le casting et l'unanimité critique autour du film devraient avoir raisons de mes petites réticences.
Parmi les autres sorties de ce mois de février on trouve Les infidèles, une comédie à sketchs dont les bandes annonces sont bien moins encourageante que son brillant casting de réalisateurs avec Fred Cavayé (A bout portant), Michel Hazanavicius ( The artist) et Eric Lartigau (Pamela Rose). On pourra aussi se laisser tenter par Le territoire des loups de Joe Carnahan et l'intriguant Extrêmement fort, incroyablement près de Stephen Daldry.
Faut il vraiment attendre quoi que ce soit de Devil inside le documenteur de William Brent Bell ? Après Paranormal activity, Le dernier exorcisme et Insidious le film de trouille ultime de l'année que l'on avait pas eu peur au cinéma depuis la dernière fois pourrait être encore une fois une immense déception. Comme William Brent Bell est le réalisateur du bien foireux Stay Alive les doutes sont vraiment plus que légitimes.
Et puis pour les masochistes des salles obscures, ceux qui aiment se faire mal; il faut signaler les sorties de Star Wars épisode 1 en 3D et Ghost rider,l'esprit de la vengeance de Neveldine et Taylor les dumb et dumber du film d'action.
Dans les rayons DVD:
Les trois grosses sorties de février sont incontestablement le Tintin de Steven Spielberg avec un Blu-ray 3D absolument indispensable, Polisse de Maïwen dans une version director's cut (??) avec une petite heure de bonus ( scènes coupèes, making of) et Drive de Nicolas Widing Refn malgré une édition semblant bien pauvre en matière de suppléments.
Le sympathique Attack the block de Joe Cornish sortira aussi en février dans une très belle édition comprenant plus de 100 minutes de bonus dont un copieux making of d'une heure. A signaler également les sorties du joli petit film d'animation français Un monstre à Paris et directement en DVD de A lonely place to die rebaptisé Poursuite mortelle.
Voilà pour février, rendez vous le mois prochain. Un mars et ça repart .....
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La guerre des boutons
La guerre des boutons
La nouvelle guerre des boutons
de Yves Robert, Yann Samuell et Christophe Barratier
France ( 1961 – 2011) – Comédies
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Dans un soucis évident de diversité et d'originalité la production française proposait, pile au moment de la rentrée des classes et à une petite semaine d'intervalle, deux remakes d'un seul et même film à savoir La guerre des boutons, un petit classique de la comédie signé par Yves Robert. A l'occasion de la sortie DVD des deux films de l'année dernière je me suis lancé dans un petit comparatif entre les films de Samuell, Barratier et Yves Robert.L'histoire de La guerre des boutons tout le monde la connait déjà, c'est l'opposition de deux bandes de gamins rivaux de deux villages de campagne. Des gosses qui s'amusent à la guerre et dont la supériorité doit se marquer avec un butin constitué de boutons pris directement sur les culottes de l'ennemi.
Pour commencer il convient de regarder la fidélité de l'esprit du film de Yves Robert sorti il y-a plus cinquante ans. De ce point de vue là c'est incontestablement le film réalisé par Yann Samuell qui se rapproche le plus de l'esprit léger et libertaire de son modèle. La nouvelle guerre des boutons de Christophe Barratier choisit quand à lui de déplacer le récit des années soixante vers la seconde guerre mondiale pour pouvoir introduire une dimension dramatique supplémentaire en opposant la grande guerre et la petite. Une idée reprise d'ailleurs un peu de manière artificielle par Yann Samuell avec un personnage de militaire en permission racontant les horreurs de la guerre d'Algérie. Mais si l'on juge les deux remakes, c'est incontestablement le film de Christophe Barratier qui assume le moins son statut de simple divertissement tout aussi innocent que contestataire. Alors que le film de Yves Robert était totalement concentré sur les mômes en laissant les adultes au second plan les films de Samuell et plus encore de Barratier introduisent quelques sous intrigues finalement peu intéressante pour faire exister les adultes du récit et surtout les comédiens connus qui sont à l'affiche des deux films. Toujours dans l'esprit du film d'origine, Yann Samuell ajoute au maitre d'école du village de Longeverne interprété par Eric Elmosnino celui des Velrans interprété par Alain Chabat afin de montrer que l'antagonisme entre les deux villages dure depuis plusieurs générations (Ce qui n'était que suggéré dans le film de Robert), le tout sous le regard arbitral d'un curé de campagne interprété par Fred Testot. L'apport des personnages adultes de La nouvelle guerre des boutons est bien plus discutable avec une histoire d'amour sans relief entre le maître d'école interprété par Guillaume Canet et Laeticia Casta et l'éternel clivage entre des personnages de collabos et les résistants. Il est d'ailleurs assez amusant de constater que les adultes du film de Yann Samuell sont des personnages de pur comédie alors que ceux du film de Barratier ont le plus souvent une dimension uniquement dramatique. Si la légèreté du divertissement va plutôt du coté du film de Yann Samuell en revanche aucun des deux films ne reprends vraiment la dimension politique du film de 1961 dans lequel des gosses inventaient une nouvelle forme de démocratie vraiment égalitaire avec quelques dialogues savoureux et au combien d'actualité comme « on va pas instaurer la démocratie pour que les riches laissent les pauvres au fond des chiottes ».
Les deux remakes introduisent aussi des personnages féminins très fort, peut être tout simplement pour attirer des petites filles vers le film mais aussi pour casser l'image un poil rétrograde et « machiste » du film de 1961. Il faut dire que dans le film de Yves Robert la petite fille qui traine avec les gosses n'a guère d'autres fonction que de faire le ménage, recoudre les boutons, masser les guerriers blessés et à l'occasion se faire doucement chahuter pour montrer ses nichons. Une vision pas vraiment compatible avec l'évolution des mentalités et un politiquement correct s'exerçant pour le meilleur comme pour le pire. Les personnages féminins des deux remakes sont donc bien différents du film de Yves Robert et permettent surtout d'introduire des histoires d'amour entre Lebrac, le chef charismatique des Longeverne, et une petite fille. Encore une fois ma préférence ira vers le film de Yann Samuell et le personnage de La Lanterne qui s'inscrit parfaitement dans l'esprit frondeur du film avec une gamine au tempérament de garçon manqué aussi bien capable de combattre comme les autres gosses que de faire battre les cœurs les plus endurcis. Dans le film de Christophe Barratier, la petite fille est une enfant juive cachée par le personnage interprétée par Laeticia Casta et donc fatalement plus discrète au niveau de l'histoire. Cette petite fille raffinée et intelligente va introduire une vrai dimension romantique à l'eau de rose pour le personnage de Lebrac (le dur au cœur tendre) et provoquera directement la future trahison de Bacaillé. Encore une fois on sent que Christophe Barratier n'assume pas vraiment le statut de pur divertissement de La guerre des boutons en y introduisant des grands sentiments qui à l'écran semblent souvent très artificiels.
Il est toujours amusant de voir combien les remakes qu'ils soient étrangers ou bien français polissent les petites aspérités des films originaux. Le pourtant gentillet La guerre des boutons n'échappe pas à la règle essentiellement à travers le portrait du père de Lebrac qui dans le film de Yves Robert était une brute épaisse interprété par Jean Richard capable de sévèrement corriger son môme au point de le renvoyer à l'école avec la gueule bien amochée. Difficile d'imaginer aujourd'hui dans un divertissement familiale ce genre d'écart de conduite, du coup Barratier et Yann Samuell adoucissent considérablement la brutalité du personnage. Chez Barratier c'est le comédien Kad Merad qui interprété le père Lebrac, un type un peu grande gueule, un peu bourru mais pas bien méchant qui passe aux yeux de son fils pour un planqué avant de finalement se révéler un résistant. Chez Yann Samuell en revanche le père devient une mère et c'est Mathilde Seigner qui interprète une femme seule bien corageuse demandant beaucoup de travail et de sacrifices à son fils sans jamais lever la main sur lui. Des changements qui sans être honteux dénotent tout de même d'un désir de lisser la violence faites aux enfants alors que paradoxalement cet aspect du film donnait à la guerre des gamins du film de Yves Robert une dimension à la fois noble et héroïque. On notera aussi que la scène mythique de l'attaque des gamins à poil du premier film est bien plus pudique chez Yann Samuell et carrément rhabillée chez Barratier.
La guerre des boutons s'articule autour de quelques personnages très fort comme Lebrac qui est objectivement le véritable héros de l'histoire, le petit Gibus qui assure les aspects les plus comique du récit, l'Aztec qui est l'ennemi et chef des Velrans et le personnage de Bacaillé, le traire par qui prendra fin la guerre. Des personnages dont les traits et les caractères sont assez différents selon les différentes version du film. C'est sans doute le Lebrac du film de Christophe Barratier qui se rapproche le plus de celui du film d'origine avec cette figure de cancre mais véritable chef charismatique de clan semblant constamment plus vieux et plus mur que ses camarades. Dans le film de Yann Samuell Lebrac devient bizarrement une sorte de génie incompris capable de faire de brillantes études. Voilà bien l'un des seul point clairement positif pour le film de Christophe Barratier d'autant plus que le réalisateur engage pour le coup un parfait inconnu qui marque les esprits mais sans jamais faire oublier la dégaine, la gouaille et le regard entre violence et humanité de l'éternel Lebrac interprété par André Treton. Pour ce qui est de l'Aztec, un personnage finalement assez en retrait et bien moins développé que Lebrac, c'est Yann Samuell et sa guerre des boutons qui s'en tire le mieux proposant certainement le plus charismatique personnage version Yves Robert comprise. Interprété par l'inconnu Théo Bertrand, l'Aztec du film de Samuell est une pure terreur de cour de récréation avec une vraie gueule et une vraie dimension de bad guy.
Concernant le petit Gibus le constat est sans appel car aucun des deux remakes ne parvient à faire oublier le petit Martin Lartigue qui a transformé son rôle de gosse en un personnage totalement culte. Encore une fois ma préférence ira vers le petit Gibus du film de Yann Samuell mais très objectivement aucun des deux personnages ne possèdent la dimension comique et la tendresse immédiate que pouvait susciter Martin Lartigue. Christophe Barratier tente de remplacer le célèbre ' »Oh ben si j'avais su j'aurai pas venu » par un autre gimmick de langage avec « C'est exactement qu'est ce que je voulais dire » mais la sauce ne prend pas vraiment. Le petit Gibus reste et restera pour longtemps la figure emblématique du film de Yves Robert avec son langage de gosse, son imitation du chien, ses murges à l'alcool, sa tente à gaz et ses larmes devant l'apprentissage de la traitrise. Le traitre en question c'est bien sur Bacaillé et son traitement est assez similaire dans les trois films même si c'est Barratier qui force le plus le trait en faisant carrément du personnage un collabo dénonçant les juifs. Chez Yann Samuell tout comme chez Yves Robert le personnage conserve une dimension assez humaine qui fait que l'on se prend presque d'affection pour lui au moment du châtiment. On trouve même dans le film de Samuelll un réplique que je trouve assez joli lorsque Bacaillé en larmes déclare « C'est pas ma faute si j'ai une gueule de tartine je tombe jamais du bon coté ».
Au final c'est donc pour moi le film de Yann Samuell qui s'impose comme le meilleur remake du film de Yves Robert tout en se plaçant très loin de son modèle. Christophe Barratier signe une nouvelle fois un film bien trop sage et ampoulé fait pour plaire aux grands parents. Le réalisateur des Choristes semble surtout vouloir absolument donner une dimension, dramatique, historique et romanesque au film de Yves Robert qui n'en a aucunement besoin pour exister. Plus proche de l'esprit frondeur du film de 1961, le film de Yann Samuell réserve quelques jolis moments de poésie comme la confection de l'étendard et le final lorsque les gamins dessinent à la craie tout autour de Lebrac assis dans la cour de l'école. Mais voilà aucun des deux films n'arrive à rivaliser avec le film de Yves Robert qui reste plus de cinquante ans après sa sortie un classique indémodable du fait de son humour,de sa violence dissimulée et surtout de ses aspects libertaires et presque révolutionnaires.
Les notes :
La guerre des boutons de Yves Robert 08/10
La guerre des boutons de Yann Samuell 06/10
La nouvelle guerre des boutons de Christophe Barratier 04,5/10
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The violent kind
Des Butcher brothers
USA (2011) – Horreur / Fantastique / Science fiction / Comédie / Drame.... Le bordel quoi !
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Après la sympathique relecture familiale du mythe des vampires avec The hamiltons les Butcher brothers reviennent pour un second film qui se trimballe une sérieuse réputation d'ovni totalement barré et inclassable. Et c'est vrai que The violent kind est un film totalement cintré et imprévisible qui part dans tous les sens, mais malheureusement il ne suffit pas toujours d'être bizarre pour être intéressant.
The violent kind raconte l'histoire d'une bande de bikers partis fêter l'anniversaire de la mère de l'un d'entre eux dans une ferme isolée en pleine forêt. Un fois la fête terminée il ne reste qu'une poignée de personnes qui vont recevoir la visite d'une bien étrange bande de voyous semblant sortir directement des années cinquante...
Effectivement au niveau de l'originalité et de sa capacité à sans cesse chambouler les attentes du spectateur The violent kid se pose là. Le film des Butcher brothers commence comme une chronique traitant de la violence des bandes pour glisser doucement vers le fantastique à base de fantômes avant d'aller joyeusement vers l'horreur du film de possession tout en flirtant avec la science fiction et le home invasion radicale. Le problème c'est que le film part tellement dans tous les sens que l'on finit par vraiment se demander vers quoi les deux réalisateurs tentent vainement d'aller. A force de tout mélanger de manière aussi anarchique le film donne très vite la sensation d'un gros portnawak tendance gros gloubiboulga mal digéré. Les intentions sont sans doute louables mais l'étrangeté bricolée du film lasse bien plus vite qu'elle ne fascine. Malheureusement si l'on es dans un premier temps séduit par l'univers foutraque du film on es aussi très vite agacer par cette sensation que le film part un peu dans tous les sens pour masquer surtout qu'il ne va finalement pas bien loin.
The violent kind est aussi fortement plombé par un groupe de comédiens totalement en roue libre et pas spécialement convaincant. La palme de la médiocrité revenant à la petite bande gesticulante et horripilante sortant des années cinquante. Les personnages totalement déglingués et hors normes peuvent être parfois aussi ridicule que effrayant comme le héros de l'excellent The lost ou encore le regretté Dennis Hopper dans Blue Velvet mais dans The violent kind ils restent le plus souvent des pantins ridicules et grotesques. Du rocker gesticulant en citant James Dean au dandy à cran d'arrêt en passant par le gros dur qui lèche du film étirable parce que il adore le plastique (??) difficile de trouver dans cette galerie des monstres des personnages plus effrayant que artificiellement azimutés. Au bout du compte on s'ennuie donc très vite, on soupire et plus emmerdant on sourit finalement au dépends du film et de ses situations grotesques. Tout devient tellement artificiel , que tout devient inoffensif que ce soit la folie, la violence comme l'étrangeté des situations.
The violent kind est donc bel et bien un ovni et un film bizarre mais faute d'une ligne directrice solide, d'une solide mise en scène, d'acteurs charismatiques et convaincants le film ne va jamais plus loin que l'expérience étrange d'un film autre. Pour le reste, le film des Butchers brothers qui devait être un électrochoc reste un objet étrange mais pour moi assez vain.
Ma note: 05/10
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