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La vengeance de Morsay
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La vengeance
de Morsay
France (2011) – Comédie dramatique / Damatique comédie
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Amateur de bandes déviantes, de films hors normes, de pellicules bien barrées et d'improbables navets en puissance je ne pouvais décemment pas passer à coté de La vengeance, le premier film de Morsay. Alors pour celles et ceux qui ne connaitraient encore l'individu, Morsay est un rappeur du groupe Truands 2 la galère essentiellement connu pour ses innombrables vidéos tournés aux kilomètres qui trainent sur Youtube et dans lesquelles il clashe, insulte et vocifère sur ceux qui se foutent de sa gueule. Morsay possède un langage joliment fleuri et rempli d'expression qui n'appartiennent qu'à lui comme «J'encule la chatte à ta mère » ou « Je vais te sodomiser avec un pot de fleurs » et un mécanisme de réflexion qui le rapproche parfois d'un Jean ClaudeVan Damme version caillera de banlieue. Un personnage hors norme dont il est finalement bien plus facile de se moquer que de prendre la défense. Pourtant si La vengeance est bel et bien un magnifique navet souvent involontairement hilarant il n'en demeure pas moins avec tous ses défauts un drôle de témoignage de la façon dont les jeunes des quartiers difficiles voient la France.
La vengeance raconte donc le quotidien de Morsay et de son frère Zehef tout juste sortis de prison et qui doivent se débrouiller pour vivre dans leur quartier entre les flics, les petits trafics et les skinheads.
Tourné de manière totalement indépendante et avec des potes plus que des professionnels La vengeance est un film qui ressemble fatalement à une bande amateur bourrée jusqu'à la gueule des pires défauts techniques possibles. Le générique de fin a beau créditer quatre noms comme directeurs de la photographie et deux en tant que ingénieurs du son le film est juste techniquement et artistiquement dégueulasse. L'image est souvent sur exposé, saturé de lumière avec un cadre hésitant constamment à se poser, il en résulte certes un sentiment d'urgence et de prise sur le vif mais aussi de brouillon sans la moindre maitrise. Au niveau du son c'est encore pire et l'on ne compte plus les scènes de dialogues inaudibles à cause du souffle du vent, d'un bruit de mobylette qui passe, d'un camion, d'une voiture, d'un bruit d'ambiance ou de dialogues qui se superposent dans un joyeuse anarchie. De plus on sent que le film tente de copier un peu la structure de La haine avec une sorte de montée en puissance jusqu'au climax final avec des panneaux indiquant le temps qui défile sauf que le film se déroule sur plusieurs jours et que les indications temporelles n'ont ici aucun intérêt contrairement à La haine qui se déroulait sur 24 heures. Difficile donc de parler de mise en scène tant le film souffre de son traitement totalement amateur ne s'autorisant que quelques effets de style souvent mal maitrisés. Les acteurs sont tous en roues libres de l'avocate semblant lire son texte, aux mecs qui regardent la caméra en passant par les longs tunnels de dialogues creux entre des mecs qui s'emmerdent en bas des blocs façon sitcom de AB production version ghetto. Seul Zehef, le frère de Morsay s'en tire plutôt pas mal. Morsay a beau se vanter d'avoir réalisé "un film de haute qualité attendu dans le monde entier son premier long métrage ne dépasse jamais le statut de films de potes.
Fort heureusement Morsay nous offre avec La vengeance un florilège de dialogues hilarants à faire tomber illico raide mort d'une crise cardiaque un professeur de français. Liaisons dangereuses, confusion des genres, orthographe subissant des tortures digne de Jigsaw, conjugaison hasardeuse, expression surréalistes, on sent que la plupart des dialogues sont des simples improvisations avec une ligne directrice écrite en langage SMS sur une feuille à rouler. Bon je ne suis peut être pas le mieux placé pour parler d'orthographe mais La vengeance est un tissus ininterrompu de phrases cultes. Parmi mes préférés je retiendrais surtout le type qui coupe les cheveux des mecs et qui demande « à qui le suivant ?» avant de proposer à un mec de retirer son chemisier ce qui objectivement reste moyennement viril. Fatalement c'est lorsque Morsay prend la parole que le film part le plus en vrille, apostrophant un flic en lui disant « Y sont tous menteur dans vot'collectif » ou déclarant tout heureux d'être sorti de prison « Et ouais j'suis la liberté ». Peut être conscient de son potentiel comique involontaire Morsay se réserve de grandes tirades comme lorsque il joue les caïds avec des types venant des USA et du Brésil pour traiter avec lui sur un trafic; on a alors droit à du très lourd avec « J'comprends pas l'anglais mais Yesss Thank you! », « J'ai une équipe qui ramène du bédo de L'hollande » et surtout une longue altercation avec un vendeur voulant passer à la cocaïne ce qui donne: « C'est toi que je m'inquiète de toi... Tu ressembles à un gros bédo de la tête au pied, j'te coupe un bras c'est deux kilos qui tombent... Si tu veux pas vendre du shit, va vendre des collants à ED ». Et puis après une heure de film tombe la grande tirade dans laquelle Morsay se lâche contre la France avec les violons en fond musical « Je vous baise de A à Z, je la connais peut être pas l'alphabet (sans blague!) mais la lettre A et la Z j'm'en rapellerais à vie... Moi j'donne pas mes fesses pour ce drapeau de racistes, tu m'ose dire va travailler mais ce pays je le baise comme Scarface même si je ne crois pas à lui.... Moi je la baise moi l'état et tu ne me dis pas non baise pas l'état » le tout devant son frère dont le regard vide en dit bien plus long que son dialogue. Pour le plaisir j'ai noté aussi le « Je ne suis pas psychologue, je suis rappeur, non je rigole » et le magnifique « Merci pour le jogging et les journals ». La rhétorique de Morsay qui dans une scène a du mal à lire les slogans de ses propres tee shirts va se nicher jusque dans l'affiche du film à la tagline nébuleuse; la vengance est un plat qui se mange froid, moi je la mange crue parce que avant je n'en avais pas (???). Même les sous titres et les panneaux sont truffés d'hilarantes fautes comme le prouvent ces quelques captures d'écrans.
On se marre donc beaucoup devant La vengeance qui convoque les esprits du bis et du Z de la France profonde du boulard forestier aux comédies adolescentes façon Max Pecas. Le film comporte même un moment absolument cultissime dans le registre de la nanardise lorsque une jeune fille abandonnée par Morsay dans les bois se sauve en courant après avoir entendu du bruit, on voit alors un type sortir de la forêt avec un tee shirt militaire et un arc pour ce dialogue absolument magnifique « Putain mais je deviens fou ou quoi, j'ai entendu du bruit », avant de repartir tout naturellement dans les sous bois. Le film comporte d'autres moments assez croustillant comme le mec qui dit « Attends je prends mon blouson » avant de partir sans, Morsay qui se tient le coté droit en se tordant de douleurs alors qu'il a été touché à gauche, Morsay toujours demandant à son pote de prendre sa place dans le lit d'hôpital mais en cachant sa tête sous les draps, la juge qui hurle « Objection » comme dans une série américaine, le gros skin avec sa croix gammée tatouée au feutre ou le pote de Morsay qui pour se taire au moment de dormir écoute la promesse de Morsay de lui présenter Catwoman « La femme avec les chattes aux yeux ». Mais La vengeance ne fait pas que dans l'humour involontaire et comporte deux trois scènes vraiment amusante comme lorsque un des skins tente trois mouvement de kung fu foireux avant de se manger une bonne mandale de camionneur de la part d'un des potes de Zehef.
Le plus étrange reste l'autoportrait que Morsay dresse de lui à travers son film donnant l'image d'un personnage à la fois mythomane, sincère, parfois touchant et looser magnifique. Car Morsay apparaît tour à tour comme un gangster traitant avec les States, jouant les yamakazis pour échapper aux flics et tellement costaud que ses ennemis parlent de lui comme d'un mec bien trop fort et trop rapide avant de passer pour un véritable boulet digne du Michel Blanc de Marche à l'ombre. Car le plus souvent Morsay apparaît dans le film comme un sale gosse avec un rire de hyène toujours en galère, capable de voler des bonbons et du Nutella à ED, qui fait « Wouhouhou!! » en poussant des petits cris après avoir dérouillé un skin, qui aspire l'eau de son verre à la paille en faisant du bruit comme un môme de trois ans, qui fait des blagues sur les pieds qui puent et qui raconte son altercation avec les skinheads en disant « Il m'a dit tu vas manger mes pieds alors j'ai fait Bim Bam Boum !! ». Morsay passe surtout tout le film à tenter de se serrer une meuf en enchainant râteau sur râteau, un vrai crevard de la séduction tentant de s'inviter dans les plans des autres et toujours désespérément seul comme un pauvre Drageur 2 la galère. Une forme d'auto dérision assez inattendu qui rend le personnage bien plus sympatique que dans l'immense majorité des vidéos Youtube qui ont fait sa triste réputation d'abruti. Morsay ressemble parfois à ses gosses qui manquent de mots pour pouvoir s'exprimer et qui n'ont plus d'autres choix que de crier pour espérer que l'on fasse attention à eux. Car dans le fond il n'est pas si con que ça le Morsay (Si si !!) et il ne fait qu'exprimer le sentiment de ses enfants d'immigrés dont les sacrifices des parents n'auront pas suffit à garantir leur intégration. Il le dit même à travers un joli dialogue lourd de sens « Nos parents ils ont construit ce pays pourtant on es toujours des locataires ». Morsay semble le plus souvent, intègre et sincère dans sa démarche comme le démontre son film fait pour et avec les gens de son quartier. Le gros soucis c'est sans doute que son discours prête trop souvent à rire par sa forme et que la vision qu'il donne des choses reste finalement une caricature qui ferait presque peur.
Car La vengeance est un film sous ses aspects caricaturaux cache une vérité qui fait mal à voir, celle du clivage de plus en plus profond entre la France et les jeunes des banlieues. Si on y regarde d'un peu plus près on constatera que les blancs du film sont des juges, des flics, des raciste nazillons, des bourgeoise profitant des autres et des beaufs mangeant du saucisson dans un bistrot, une vision totalement caricaturale qui démontre une bien triste réalité à savoir que le regard que porte certains jeunes issus de l'immigration sur la France est aussi larvé d'intolérance et de bêtise que celui que porte les nationalistes sur eux. De la même manière que l'on voudrait se battre contre les aveuglements des extrémistes on aimerait juste dire à Morsay que tous les français ne sont pas des fachos bas du front national. Le monde ne se divise pas entre les gentils qui porteraient tous fièrement les tee shirts Truands 2 la galère et les autres, et surtout la haine et la caricature finissent toujours par desservir ceux qui l'utilise. Les partis d'extrême droite, certains nationalistes semblent avoir eu raison de la sortie du film avec une pétition (On doit toujours peser le vrai et le faux avec Morsay qui a fait du buzz internet son mode de vie ) prouvant que la relative violence anti-française du film avait finit par avoir raison de sa propre légitimité à exister. Je ne défendrais bien évidemment pas ici la connerie et l'intolérance de fascistes et de nationalises capable d'interdire une œuvre artistique sur des convictions politiques, car aussi mauvais soit il La vengeance n'est au bout du compte qu'un film. On se dit juste qu'avec un peu plus de nuances et d'implication esthétique La vengeance aurait pu toucher bien plus de monde, s'offrir une vraie sortie et toucher alors au delà de sa cible. En l'état on a la sensation de deux visions caricaturales, larvées de haine et obtus qui se neutralisent démontrant que la grande partouse réconciliatrice n'est pas encore pour demain. Le film semble aujourd'hui bloqué par plus de 700 signatures dont celles de Marine Le Pen, Eric Zemmour et Claude Guéant. Impossible donc de ne pas soutenir Morsay pour la simple liberté d'expression artistique tout en ne cautionnant pas forcément l'intégralité des propose de son film.
La vengeance est donc un drôle de film à la connerie superficielle assez hallucinante et à la profondeur plutôt effrayante. Une chose est certaine Morsay ressemble au bout du compte à un mec plutôt sincère pour qui le nerf de la guerre reste l'argent qui cloisonne les hommes dans des cases et les empêche de se rapprocher. Un message peut être naïf mais finalement pas plus con qu'un autre.
Ma note 03/10
Ma note gratin de navet 07/10
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Commentaires
2FreddyKMardi 6 Mars 2012 à 06:16Même pô peur ! Et pour tout dire je crois que ça m'amuserais (Enfin, jusqu'à une certaine limite) de discuter avec des gens ayant apprécier le film. Le personnage de Morsay est tellement hors normes qu'il provoque toujours des débats et des réactions épidermiques, c'est dommage. Si le film est vraiment mauvais il a le mérite de poser des questions qui font peur .
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Houla, tu prends des risques en critiquant objectivement ce film ! Les quelques articles que j'ai pu lire dessus étaient pourris par des Kevin bas du front venus défendre un film qu'ils n'avaient souvent même pas vu !
En tout cas merci, j'ai bien rigolé en lisant ta critique, et celle-ci a presque éveillé ma curiosité !