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The artist de Michel Hazanavicius
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The artist
de Michel Hazanavicius
France (2011) Comédie dramatique / Romance / Intemporel
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Je pensais qu'il était presque devenu impossible de coller ensemble dans une critique cinq mots comme: Comédie, française, intelligente, originale et ambitieuse. Fort heureusement est arrivé Michel Hazanavicius qui après avoir signé avec les deux OSS 117, les meilleurs comédies françaises de ses dix dernières années, nous revient avec The artist. Le réalisateur aurait pu se reposer sur ses lauriers et enchainer tranquille avec un troisième volet des aventures de l'espion qu'on aime tant. Mais Hazanavicius choisit de s'attaquer à un projet plus ambitieux et autrement casse gueule, The artist n'est pas une comédie pure, pas une parodie mais un film qui mélange comédie, romance, mélodrame le tout en noir et blanc et à la manière d'un film muet des années 20. L'occasion pour Hazanavicius de rendre un très bel hommage à ce cinéma magnifique, à ses artistes et à ses artisans.
The artist raconte l'histoire de George Valentin (Jean Dujardin) une immense star du cinéma muet à Hollywwod qui voit arriver avec méfiance et mépris les premiers films parlant. George Valentin sombre alors doucement dans l'oubli alors que dans le même temps Peppy Miller, une jeune starlette repérée par Valentin lui même, devient une star du cinéma parlant. Un destin croisé pour une histoire d'amour presque impossible...
La première chose qui frappe l'esprit au bout d'à peine dix minutes de film c'est à quel point The artist est un film techniquement assez irréprochable. Alors que trop souvent les productions hexagonales se foutent royalement de tout ce qu'ils considèrent injustement comme secondaire, le film de Michel Hazanavicius est esthétiquement et techniquement une petite merveille. Ce n'est même pas une surprise puisque l'on retrouvait déjà ses qualités là et ce soucis presque maniaque de création d'un univers totale dans les deux OSS 117. C'est bien simple on a immédiatement la sensation de se retrouver devant une production datant des années 20 et de retrouver ce piqué d'images si particulier. Les costumes, les décors, les effets spéciaux, la lumière, le rythme, le découpage, les maquillages, la photographie, absolument tout participe à plonger les spectateurs dans cet univers et à rendre palpable ce pari un peu fou. Il faut également citer la formidable musique de Dominique Bource, fidèle complice de Hazanavicius, qui accompagne presque 90% du film entre punch jazzy et mélodie au piano bouleversante. On connait l'importance de la musique dans les films muets comme ceux de Chaplin et le score de Dominique Bource s'impose illico comme l'une des plus belle musique de film de cette année.
Le casting de The artist est encore une fois une petite merveille et un plaisir de tous les instants. On passerait presque sur la formidable performance de Jean Dujardin déjà mille fois encensé et récompensé d'un prix d'interprétation à Cannes remis par mister De Niro. Une distinction mérité tant Dujardin livre une très jolie performance réussissant tour à tour à être charmant, drôle, pathétique et bouleversant tout en restant imperturbablement classe. Mais il faut aussi saluer la performance de Berenice Bejo qui incarne avec autant de force, de talent et d'émotion que son homologue masculin la délicieuse Peppy Miller. Berenice Bejo trouve incontestablement ici son plus joli rôle avec cette délicieuse et charmante actrice entre Betty Boop et Paulette Godard élevée soudainement au rang de star. Des performances souvent dignes des grandes stars du muet, Michel Hazanavicius s'amusant souvent des excès expressif de la pantomime et des blessures profondes de ses personnages. La petite séquence montrant George Valentin (Jean Dujardin) en plein tournage perdre doucement son jeu d'acteur à mesure qu'il tombe amoureux de sa jeune partenaire est un immense moment de comédie et de direction d'acteurs. Impossible de ne pas citer les prestigieux seconds rôles du film avec l'immense John Goodman ( The big Lebowski, Barton Fink), James Cromwell ( Babe, La ligne verte, L.A Confidential), Malcom McDowell (Orange mécanique, If), Missi Pyle (Dodgeball).
The artist confronte donc deux trajectoires de carrière autour d'une simple révolution technique. Par certains aspects le film de Hazanavicius fait penser à L'illusionniste de Sylvain Chomet dans lequel un vieux magicien se retrouvait totalement dépassé par son époque et devait se résoudre à ne plus faire rêver personne ou encore le Limelight de Chaplin et ses vieux clowns bouleversants. Pourtant The artist n'est jamais un film passéiste et la descente vers l'oubli de son personnage principale est autant due aux mutations de l'art qu'il pratique qu'à sa propre vanité et son orgueil. The artist est certes un formidable hommage à la magie du cinéma muet mais il n'oppose jamais deux types de cinéma différent préférant plaider pour la mémoire de ceux qui nous font rêver plutôt que l'oublie dès qu'une nouvelle star ou une nouvelle technique fait son apparition. Mais Michel Hazanavicius ne manque pas de pointer également du doigt un cinéma devenu souvent trop bruyant à travers la formidable scène du cauchemar de Valentin (une des seule séquence sonore du film) dans lequel les bruitages deviennent de plus en plus assourdissant au point de devenir surréaliste à l'image d'une plume s'écrasant sur le sol dans un fracas de bombardement. The artist est de toute évidence l'hommage un peu fou d'un formidable fan de cinéma qui parvient le temps d'une séquence magnifique à imposer un silence jusque dans la salle ( Bon en même temps on était à peine douze dans la plus grande salle du multiplex). On pourrait citer et énumérer encore longtemps les beaux moments que nous offre The artist, de la séquence de l'escalier au formidable numéro de claquettes en passant par l'intelligence des dialogues et l'esprit de tous les grands artistes du muet qui plane sur le film de Chaplin à Keaton en passant par Lionel Barrymore ou Douglas Fairbanks.
The artist est vraiment une petite merveille qui revient à une forme épurée et universel du cinéma. Alors que tellement de film masque derrière le bruit assourdissant de leur bande son et la fureur de leurs effets spéciaux qu'ils n'ont plus rien à dire, c'est juste un plaisir sans nom de voir que ce cinéma là peut et devrait encore et toujours exister en dépit des modes. On ressort de The artist à la fois heureux et ému avec l'envie d'aimer le cinéma tout entier. Malheureusement le film réalise un démarrage en demi-teinte, sans doute pas assez moderne pour la majorité du public; pourtant une chose est certaine dans cinquante ans The artist semblera moins vieux que 90% des films qui sortent actuellement.
Ma note : 08,5/10
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