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Aux yeux des vivants de Julien Maury et Alexandre Bustillo
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Au yeux des vivants
de Alexandre Bustillo et Julien Maury
France – 2014 – Thriller / Horreur
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Après avoir exploré le gore viscérale avec A l'intérieur et le fantastique plus onirique avec Livide, le duo Bustillo / Maury poursuit dans la veine fantastico-horrifique en s'attaquant au slasher. Malheureusement à part la persévérance des deux compères à œuvrer avec dévotion et amour dans le cinéma de genre, ce troisième film s'avère cette fois ci bien difficile à défendre tant il est une vraie déception.
Le film raconte l'histoire de trois amis adolescents qui décident de sécher leur dernier jour de cours avant les vacances pour s'offrir une petite virée entre potes. Ils vont alors s'aventurer dans un studio de cinéma abandonné dans lequel semble s'abriter un étrange boogeyman... La nuit venue, alors qu'ils pensent avoir retrouvés la sécurité de leurs foyers, les trois ados vont comprendre que la menace les a suivi jusque chez eux.
Film français, tourné en Bulgarie et voulant ressembler aux productions américaines, Aux yeux des vivants souffre déjà d'un sérieux problème d'identité visuelle et d'une narration limite schizophrène. Par exemple les personnages ressemblent souvent à des archétypes du cinéma américains avec un redneck crasseux et violent, une babysitter sexy en mini short et des gamins lorgnant fortement du coté de ceux de Stand by me ; le tout cohabitant avec des gendarmes bien de chez nous. Il faut ajouter à cette galerie un ancien soldat américain totalement traumatisé et abîmé par la guerre... Il faut savoir les deux réalisateur souhaitaient un acteur américain pour incarné cet ancien GI réfugié en France, mais l'acteur envisagé demandant l'intégralité du budget du film comme cachet, Bustillo et Maury ont finalement opté pour un acteur français incarnant un américain réfugié en France alors que le film est tourné en Bulgarie. Difficile aussi de situer l'action dans l'espace et le temps à l'image d'une première séquence ou des gamins qui fêtent Halloween, débarquent dans une maison ni typiquement française ou américaine pour tomber sur un couple composé de Beatrice Dalle et Francis Renaud. Alexandre Bustillo et Julien Maury filme donc souvent la Bulgarie comme si c'était un bled paumé des USA créant un curieux décalage parfois limite parodique. Dans l'esprit le film semble également se situer dans les années 80, voir les années 70, tout en laissant un personnage utilisé un téléphone portable pour les besoins d'une séquence....
Ce flou temporelle et géographique n'est malheureusement pas le défaut majeur de Aux yeux des vivants qui souffre surtout de très gros problèmes d'écriture. Le film s'ouvre déjà sur une séquence choc qui lorgne jusque dans sa thématique du coté de A l'intérieur mais qui s'avère être au bout du compte limite hors sujet et surtout lourdement explicative sur la future nature d'un boogeyman qui aurait sans doute gagné à rester bien plus mystérieuse. Ensuite, même si le film s'octroie une bonne demi-heure pour le faire, jamais Maury et Bustillo ne parviennent vraiment à rendre les trois adolescents au cœur du récit un minimum attachants. Caricaturaux avec le trouillard à lunette, le costaud et le héros, le film parle bien sûr du passage vers l'age adulte mais sans jamais parvenir à impliquer totalement le spectateur même lorsqu'il joue sur une forme de chantage émotionnel et compassionnel en montrant un des trois gamin sévèrement cogné par son père. Difficile également de passer sur les nombreuses incohérences et les raccourcis d'un récit qui semble parfois être rempli de trous narratifs. Alors qu'il souhaite se cacher aux yeux des vivants, le personnage interprété par Francis Renaud envoie pourtant son rejeton de fils pour tuer les trois gamins alors qu'ils ne représentent pas une menace imminente, ce qui objectivement n'est pas le meilleur moyen de passer inaperçu. Plus embarrassant encore le boogeyman trouvera comme par miracle les adresses des trois gamins alors qu'une très grosse astuce scénaristique n'explique que la localisation d'un seul des trois adolescents. Il est toujours difficile de faire une approche trop rationnel et logique d'une œuvre à caractère fantastique et horrifique s'appuyant sur un genre aussi codifié que le slasher, mais dans le cas de Aux yeux des vivants les personnages se comportent souvent de manière assez étrange comme cette mère de famille qui laisse sa fille dormir tranquillement alors qu'elle sait qu'un tueur rôde dans la maison. Elle refuse d'ailleurs assez systématiquement de fuir face au danger préférant aller se cacher lamentablement sous une table plutôt que de quitter sa maison en courant. Dans un récit aussi bancal les multiples références peinent à s'intégrer de manière naturelle faisant parfois ressembler Aux yeux des vivants à un immense catalogue référentiel dans lequel l'hommage dissimule difficilement un manque d'idées personnelles et originales . On pourra donc s'amuser à pointer les nombreuses références conscientes ou pas qui se cachent de manière plus ou moins visibles dans Aux yeux des vivants. Car de Stand by me à Massacre dans le train fantôme en passant par Massacre au camp d'été, Fulci, Rob Zombie, La nuit des masques , Terreur sur la ligne, Insidious et beaucoup d'autres ; le catalogue non exhaustif des références est aussi réjouissant que parfois lourd à digérer dans son aspect de déjà vu.
Mais tout n'est pas non plus totalement raté dans Aux yeux des vivants et le film qui souffre essentiellement des carences de son script offre quelques jolis moments d'horreur et de tension. Moins viscérale et rentre dedans que dans A l'intérieur, Aux yeux des vivants oscille entre le hors champ et quelques fulgurances gore pour un équilibre plutôt réussi entre tension et horreur frontal, le tout étant joliment enrobé par la musique anxiogène de Raphael Gesqua. Le boogeyman (interprété par Fabien Fegounez), bien que trop caractérisé et explicité jusque dans une révélation finale un peu ridicule, s'avère plutôt inquiétant dans sa froide et sadique détermination silencieuse et son aspect visuel. Même si ils n'ont objectivement pas grand chose à défendre avec leurs personnages respectifs, le casting de Aux yeux des vivants est aussi plutôt réussi avec un Francis Renaud inquiétant, Béatrice Dalle toujours aux limites de la folie, Catherine Frot parfaite en professeur psycho-rigide et sadique, Anne Marivin un peu à contre emploi et le trio de gamins composé de Theo Fernandez , Zacharie Chasseriau (même si il fait bien plus que son age supposé dans le film) et Damien Ferdel. Si le film peine à fonctionner dans sa globalité en revanche il parvient à exister par intermittence notamment lors des incursions successives allant crescendo en violence du boogeyman dans les maisons respectives des trois ados.
Toujours aussi intègres dans leurs choix, toujours aussi sincères et généreux vis à vis du genre qu'ils abordent, Julien Maury et Alexandre Bustillo signent toutefois avec Aux yeux des vivants le film le plus faible de leur courte filmographie. Souffrant essentiellement de défauts d'écritures et d'un budget réduite, Aux yeux des vivants reste une petite série B bancal mais pas foncièrement désagréable à regarder.
Ma note 05/10
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