• GAINSBOURG de Joann SFAR

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    Gainsbourg (vie héroïque)

    de Joan Sfar

    France - 2010  - Biopic / Comédie dramatique

    GAINSBOURG  de Joann SFAR

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      L'immense succès public et critique de La môme  d'Olivier Dahan ainsi que la très belle carrière internationale du film ne pouvait que faire saliver les producteurs et leur donner envie d'emboiter assez vite le pas afin de mettre en chantier de nombreux autres biopics. Du coup on aura droit à une double ration de Coco Chanel, deux films pour Mesrine, une sœur sourire, un film sur Sagan, un autre sur Coluche et maintenant ce Gainsbourg - (vie  héroïque)  de Joann Sfar en attendant d'autres films à venir sur Ingrid Bettancourt ou Romy Schneider.

    Gainsbourg - (vie héroïque)  est donc le biopic de la vie de Serge Gainsbourg véritable icône de la pop culture française et génie plus grand que nature de la chanson. De la jeunesse du petit Lucien Ginsburg, gamin juif dans une France occupée, jusqu'à la célébration d'un poète aux pulsions auto-destructrices Gainsbourg – (vie Héroïque)  suit le parcours d'un artiste tout d'abord peintre et dessinateur, puis poète, musicien, auteur et finalement figure mythique de la chanson française. A travers son parcours et ses amours (Bardot, Birkin, Bambou) le film dresse les contours d'une personnalité complexe et d'un personnage hors normes.


     gainsbourg

    Difficile de s'attaquer au biopic d'un personnage aussi imposant et charismatique que Serge Gainsbourg dont l'aura reste encore terriblement ancrée dans la mémoire collective du fait de son aspect totalement contemporain. Nous avons tous des images, des souvenirs et sentiments vivaces vis à vis de Serge Gainsbourg d'autant plus que le monsieur était loin de passer inaperçu ou de laisser indifférent. Du coup c'est avec une certaine appréhension que j'attendais de confronter mes propres souvenirs de l'imagerie médiatique de Gainsbourg avec les images du film de Joann Sfar. Mais les inquiétudes s'envolent bien vite car sur l'écran ce sont bien les traits et l'aura charismatique de l'homme à tête de choux qui se dessine par petites touches jusqu'à donner l'image exact et à la fois complexe du célèbre artiste.


    gainsbourg 

    Si l'évocation cinématographique d'une personnalité comme Serge Gainsbourg doit être un casse tête, que dire alors de son interprétation. Comment jouer Gainsbourg ? Voilà un défi monstrueux pour un acteur tant Serge Gainsbourg pouvait être multiple entre timidité absolu et attitude provocatrice extrême, un défi d'autant plus grand que l'immense majorité des spectateurs du film gardent au fond d'eux des images précises de l'artiste et donc une sorte de grille de comparaison pour juger à froid de la performance du comédien. C'est Eric Elmosnino qui se glisse dans la peau de Serge Gainsbourg et il est tout simplement extraordinaire tant il est Gainsbourg dans les attitudes, les gestes, la voix, les mouvements, la gueule sans pour autant sombrer dans une sorte d' imitation parodique. Les esprits plus critiques et chagrin diront que le maquillage et les prothèses y sont pour beaucoup ,réalisés par l'équipe du Labyrinthe de Pan  excusez du peu, mais un léger tremblement de la main ou un port de tête ne dupe personne sur le fait que l'acteur est juste parfait. Il faut noter qu'au départ Joann Sfar avait eu la superbe idée de confier le rôle à Charlotte Gainsbourg mais celle ci après avoir beaucoup hésité finira par refuser cette interprétation sans doute psychologiquement bien trop lourde à porter. Le reste du casting est tout aussi formidable et homogène avec entre autre Yolande Moreau qui prête sa gouaille à Fréhel, Philippe Katerine sa folie à Boris Vian, Laetitia Casta sa beauté provocatrice à Brigitte Bardot, Anna Mougladis son aura à Greco et Mylene Jampanoï dans un rôle bien trop court son charme sulfureux à Bambou. Seul le personnage de Jane Birkin interprété par Lucy Gordon me semble un peu plus faible et pas totalement satisfaisant tant il n'arrive que partiellement à capter le charme infinie et l'indolence de la comédienne, chanteuse et compagne la plus importante de Gainsboug. De manière plus anecdotique je ne suis pas certain non plus que France Gall soit très très fan de sa représentation dans le film et de l'interprétation hystèrique de Sara Forestier tant elle passe ici pour une petite blonde ingénue et assez idiote totalement sous la coupe de son père.

    gainsbourg
     

    La gageure de tout biopic reste de concentrer toute une vie dans un seul petit instant, Joann Sfar semble du coup avoir choisit l'évocation poétique plus que la biographie linéaire et chronologique. Pourtant Gainsboug – vie héroïque  est bel et bien un biopic au sens classique du mot puisqu'il suit un homme de son enfance jusqu'à sa mort en montrant les grandes étapes de sa vie comme de son parcours mais il s'affranchit de quelques contraintes inhérente à ce type de projet comme les repères chronologiques et l'aspect documentaire en tordant le cou au réalisme pour faire basculer son récit vers la fantaisie, le surréalisme et la poésie. Le film de Joann Sfar ressemble à un portrait de peintre qui existerait autant par la nature du modèle que part la personnalité de l'artiste qui l'exécute. Gainsbourg – vie héroïque  comporte donc des aspects oniriques comme un chat qui parle ou encore la présence de « La gueule » une sorte de double de Gainsbourg extrêmement complexe, une forme de conscience à la Gemini cricket qui représente tout à la fois la conscience du personnage mais aussi le poids des complexes de sa gueule, le fardeau de son enfance juive durant la guerre, les pulsions de l'artiste libéré de sa timidité une figure entre Ginsburg, Gainsbourg et Gainsbarre. Ce personnage qui prend la forme d'une figure de cartoon, d'une sorte d'immense marionnette caricaturant les traits physique de Gainsbourg apparaît de façon récurrente durant tout le film comme autant de dialogues internes entre l'homme et l'artiste. Il est assez amusant de constater que cette figure onirique est totalement absente de la bande annonce et des photos promotionnelles du film comme si les distributeurs et producteurs du film avaient refusés de communiquer sur ce qui est pourtant une spécificité majeure du film, craignant sans doute de perdre un bon paquet de spectateurs potentiels. Il suffit d'ailleurs de tendre l'oreille en fin de projection pour comprendre que ce choix était sans doute judicieux tant la majorité des critiques vont se focaliser sur les aspects surréalistes du film.

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    Joann Sfar livre donc un biopic pour le moins original qui réussit à dessiner avec beaucoup de justesse les contours d'une personnalité aux multiples facettes. Gainsbourg – vie héroïque  sans jamais tomber dans la démonstration didactique parvient à cerner les différentes composantes d'un homme pourtant aussi complexe que multiple. Joann Sfar réussit à évoquer le Gainsbourg peintre, musicien, avant gardiste, compositeur génial, provocateur et pygmalion mais aussi l'homme amoureux, meurtri par le passé, destructeur, fragile et unique. Il suffit parfois à Joann Sfar d'une seule séquence pour synthétiser tout un aspect de la personnalité du grand Serge comme lorsqu'il résume les dérives provocatrices et médiatiques de l'artiste (sans en montrer aucune) par cette scène durant laquelle un type vient voir Gainsbourg dans une boîte de nuit et qu'il imite face à lui sa marionnette des guignols de Canal +, une façon radicale, concise et foutrement intelligente de montrer un homme qui était devenu parfois une simple caricature de lui même. Pour nous faire ressentir l'importance de Jane Birkin pour Serge Gainsbourg le réalisateur n'a besoin encore là que d'une seule scène montrant Serge envoyant balader « Sa gueule » comme si il avait trouver une forme d'équilibre et qu'il était enfin en accord avec lui même. Joann Sfar en parfait dessinateur qu'il est semble avoir compris qu'un seul trait de crayon bien exécuté est plus efficace que de nombreux discours. Il faut aussi noter la magnifique scène montrant Serge Gainsbourg en larmes essuyant les critiques méprisantes faisant suite à sa reprise version reggae de La marseillaise, des critiques l'accusant de provoquer volontaire l'antisémitisme à des fins publicitaires et des larmes qui montre les blessures d'un passé toujours vivace dans le cœur d'un type à fleur de peau.

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    Il ne manque à ce Gainsbourg – vie héroïque  qu'une véritable dimension dramatique pour devenir un très, très grand film. On pourra aussi regretter l'absence d'évocation du travail de Gainsbourg en tant que cinéaste mais encore une fois il est absolument impossible de concentrer plus de soixante ans en 130 minutes. Joann Sfar choisit de ne pas évoquer la mort de Serger Gainsboug terminant son film sur un plan montrant le personnage de profil avec cette gueule reconnaissable entre mille dans une posture iconique, dans la lumière bleutée se dessine les volutes de gitanes et la musique qui bat en fond sonore comme un cœur qui ne s'arrêtera jamais, pour l'éternité Gainbourg est vivant. Pour son premier film Joann Sfar n'a sans doute pas réalisé le plus classique et le plus efficace des biopics en revanche l'hommage est quand à lui tout simplement magnifique.


    Ma note : 08/10

     

     

     

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