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La guerre des guerres
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La guerre des boutons
La guerre des boutons
La nouvelle guerre des boutons
de Yves Robert, Yann Samuell et Christophe Barratier
France ( 1961 – 2011) – Comédies
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Dans un soucis évident de diversité et d'originalité la production française proposait, pile au moment de la rentrée des classes et à une petite semaine d'intervalle, deux remakes d'un seul et même film à savoir La guerre des boutons, un petit classique de la comédie signé par Yves Robert. A l'occasion de la sortie DVD des deux films de l'année dernière je me suis lancé dans un petit comparatif entre les films de Samuell, Barratier et Yves Robert.L'histoire de La guerre des boutons tout le monde la connait déjà, c'est l'opposition de deux bandes de gamins rivaux de deux villages de campagne. Des gosses qui s'amusent à la guerre et dont la supériorité doit se marquer avec un butin constitué de boutons pris directement sur les culottes de l'ennemi.
Pour commencer il convient de regarder la fidélité de l'esprit du film de Yves Robert sorti il y-a plus cinquante ans. De ce point de vue là c'est incontestablement le film réalisé par Yann Samuell qui se rapproche le plus de l'esprit léger et libertaire de son modèle. La nouvelle guerre des boutons de Christophe Barratier choisit quand à lui de déplacer le récit des années soixante vers la seconde guerre mondiale pour pouvoir introduire une dimension dramatique supplémentaire en opposant la grande guerre et la petite. Une idée reprise d'ailleurs un peu de manière artificielle par Yann Samuell avec un personnage de militaire en permission racontant les horreurs de la guerre d'Algérie. Mais si l'on juge les deux remakes, c'est incontestablement le film de Christophe Barratier qui assume le moins son statut de simple divertissement tout aussi innocent que contestataire. Alors que le film de Yves Robert était totalement concentré sur les mômes en laissant les adultes au second plan les films de Samuell et plus encore de Barratier introduisent quelques sous intrigues finalement peu intéressante pour faire exister les adultes du récit et surtout les comédiens connus qui sont à l'affiche des deux films. Toujours dans l'esprit du film d'origine, Yann Samuell ajoute au maitre d'école du village de Longeverne interprété par Eric Elmosnino celui des Velrans interprété par Alain Chabat afin de montrer que l'antagonisme entre les deux villages dure depuis plusieurs générations (Ce qui n'était que suggéré dans le film de Robert), le tout sous le regard arbitral d'un curé de campagne interprété par Fred Testot. L'apport des personnages adultes de La nouvelle guerre des boutons est bien plus discutable avec une histoire d'amour sans relief entre le maître d'école interprété par Guillaume Canet et Laeticia Casta et l'éternel clivage entre des personnages de collabos et les résistants. Il est d'ailleurs assez amusant de constater que les adultes du film de Yann Samuell sont des personnages de pur comédie alors que ceux du film de Barratier ont le plus souvent une dimension uniquement dramatique. Si la légèreté du divertissement va plutôt du coté du film de Yann Samuell en revanche aucun des deux films ne reprends vraiment la dimension politique du film de 1961 dans lequel des gosses inventaient une nouvelle forme de démocratie vraiment égalitaire avec quelques dialogues savoureux et au combien d'actualité comme « on va pas instaurer la démocratie pour que les riches laissent les pauvres au fond des chiottes ».
Les deux remakes introduisent aussi des personnages féminins très fort, peut être tout simplement pour attirer des petites filles vers le film mais aussi pour casser l'image un poil rétrograde et « machiste » du film de 1961. Il faut dire que dans le film de Yves Robert la petite fille qui traine avec les gosses n'a guère d'autres fonction que de faire le ménage, recoudre les boutons, masser les guerriers blessés et à l'occasion se faire doucement chahuter pour montrer ses nichons. Une vision pas vraiment compatible avec l'évolution des mentalités et un politiquement correct s'exerçant pour le meilleur comme pour le pire. Les personnages féminins des deux remakes sont donc bien différents du film de Yves Robert et permettent surtout d'introduire des histoires d'amour entre Lebrac, le chef charismatique des Longeverne, et une petite fille. Encore une fois ma préférence ira vers le film de Yann Samuell et le personnage de La Lanterne qui s'inscrit parfaitement dans l'esprit frondeur du film avec une gamine au tempérament de garçon manqué aussi bien capable de combattre comme les autres gosses que de faire battre les cœurs les plus endurcis. Dans le film de Christophe Barratier, la petite fille est une enfant juive cachée par le personnage interprétée par Laeticia Casta et donc fatalement plus discrète au niveau de l'histoire. Cette petite fille raffinée et intelligente va introduire une vrai dimension romantique à l'eau de rose pour le personnage de Lebrac (le dur au cœur tendre) et provoquera directement la future trahison de Bacaillé. Encore une fois on sent que Christophe Barratier n'assume pas vraiment le statut de pur divertissement de La guerre des boutons en y introduisant des grands sentiments qui à l'écran semblent souvent très artificiels.
Il est toujours amusant de voir combien les remakes qu'ils soient étrangers ou bien français polissent les petites aspérités des films originaux. Le pourtant gentillet La guerre des boutons n'échappe pas à la règle essentiellement à travers le portrait du père de Lebrac qui dans le film de Yves Robert était une brute épaisse interprété par Jean Richard capable de sévèrement corriger son môme au point de le renvoyer à l'école avec la gueule bien amochée. Difficile d'imaginer aujourd'hui dans un divertissement familiale ce genre d'écart de conduite, du coup Barratier et Yann Samuell adoucissent considérablement la brutalité du personnage. Chez Barratier c'est le comédien Kad Merad qui interprété le père Lebrac, un type un peu grande gueule, un peu bourru mais pas bien méchant qui passe aux yeux de son fils pour un planqué avant de finalement se révéler un résistant. Chez Yann Samuell en revanche le père devient une mère et c'est Mathilde Seigner qui interprète une femme seule bien corageuse demandant beaucoup de travail et de sacrifices à son fils sans jamais lever la main sur lui. Des changements qui sans être honteux dénotent tout de même d'un désir de lisser la violence faites aux enfants alors que paradoxalement cet aspect du film donnait à la guerre des gamins du film de Yves Robert une dimension à la fois noble et héroïque. On notera aussi que la scène mythique de l'attaque des gamins à poil du premier film est bien plus pudique chez Yann Samuell et carrément rhabillée chez Barratier.
La guerre des boutons s'articule autour de quelques personnages très fort comme Lebrac qui est objectivement le véritable héros de l'histoire, le petit Gibus qui assure les aspects les plus comique du récit, l'Aztec qui est l'ennemi et chef des Velrans et le personnage de Bacaillé, le traire par qui prendra fin la guerre. Des personnages dont les traits et les caractères sont assez différents selon les différentes version du film. C'est sans doute le Lebrac du film de Christophe Barratier qui se rapproche le plus de celui du film d'origine avec cette figure de cancre mais véritable chef charismatique de clan semblant constamment plus vieux et plus mur que ses camarades. Dans le film de Yann Samuell Lebrac devient bizarrement une sorte de génie incompris capable de faire de brillantes études. Voilà bien l'un des seul point clairement positif pour le film de Christophe Barratier d'autant plus que le réalisateur engage pour le coup un parfait inconnu qui marque les esprits mais sans jamais faire oublier la dégaine, la gouaille et le regard entre violence et humanité de l'éternel Lebrac interprété par André Treton. Pour ce qui est de l'Aztec, un personnage finalement assez en retrait et bien moins développé que Lebrac, c'est Yann Samuell et sa guerre des boutons qui s'en tire le mieux proposant certainement le plus charismatique personnage version Yves Robert comprise. Interprété par l'inconnu Théo Bertrand, l'Aztec du film de Samuell est une pure terreur de cour de récréation avec une vraie gueule et une vraie dimension de bad guy.
Concernant le petit Gibus le constat est sans appel car aucun des deux remakes ne parvient à faire oublier le petit Martin Lartigue qui a transformé son rôle de gosse en un personnage totalement culte. Encore une fois ma préférence ira vers le petit Gibus du film de Yann Samuell mais très objectivement aucun des deux personnages ne possèdent la dimension comique et la tendresse immédiate que pouvait susciter Martin Lartigue. Christophe Barratier tente de remplacer le célèbre ' »Oh ben si j'avais su j'aurai pas venu » par un autre gimmick de langage avec « C'est exactement qu'est ce que je voulais dire » mais la sauce ne prend pas vraiment. Le petit Gibus reste et restera pour longtemps la figure emblématique du film de Yves Robert avec son langage de gosse, son imitation du chien, ses murges à l'alcool, sa tente à gaz et ses larmes devant l'apprentissage de la traitrise. Le traitre en question c'est bien sur Bacaillé et son traitement est assez similaire dans les trois films même si c'est Barratier qui force le plus le trait en faisant carrément du personnage un collabo dénonçant les juifs. Chez Yann Samuell tout comme chez Yves Robert le personnage conserve une dimension assez humaine qui fait que l'on se prend presque d'affection pour lui au moment du châtiment. On trouve même dans le film de Samuelll un réplique que je trouve assez joli lorsque Bacaillé en larmes déclare « C'est pas ma faute si j'ai une gueule de tartine je tombe jamais du bon coté ».
Au final c'est donc pour moi le film de Yann Samuell qui s'impose comme le meilleur remake du film de Yves Robert tout en se plaçant très loin de son modèle. Christophe Barratier signe une nouvelle fois un film bien trop sage et ampoulé fait pour plaire aux grands parents. Le réalisateur des Choristes semble surtout vouloir absolument donner une dimension, dramatique, historique et romanesque au film de Yves Robert qui n'en a aucunement besoin pour exister. Plus proche de l'esprit frondeur du film de 1961, le film de Yann Samuell réserve quelques jolis moments de poésie comme la confection de l'étendard et le final lorsque les gamins dessinent à la craie tout autour de Lebrac assis dans la cour de l'école. Mais voilà aucun des deux films n'arrive à rivaliser avec le film de Yves Robert qui reste plus de cinquante ans après sa sortie un classique indémodable du fait de son humour,de sa violence dissimulée et surtout de ses aspects libertaires et presque révolutionnaires.
Les notes :
La guerre des boutons de Yves Robert 08/10
La guerre des boutons de Yann Samuell 06/10
La nouvelle guerre des boutons de Christophe Barratier 04,5/10
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