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Jack et la mécanique du cœur

de Mathias Malzieu et Stéphane Berla

France – 2014 – Animation / Romance

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Au départ, La mécanique du cœur est un livre écrit par Mathias Malzieu qui sort en 2007 ; puis viendra ensuite un album du groupe Dionysos en forme de conte musical dans lequel Mathias Malzieu invite des personnalités du cinéma et de la chanson de Bashung à Jean Rochefort en passant par Arthur H et Olivia Ruiz. C'est à la suite d'une rencontre avec Luc Besson que le projet d'un film va finalement voir le jour en 2009. Cinq ans après, Jack et la mécanique du cœur sort finalement sur les écrans et le film est une vraie petite merveille.

Jack et la mécanique du cœur c'est l'histoire d'un enfant qui naît le jour le plus froid du monde et dont le cœur gelé est remplacé par une horloge bricolé par une femme mi-docteur mi-sorcière appelée Madeleine. Le garçon pourra donc vivre à condition de respecter certaines règles lui interdisant par exemple de céder à la colère et l'obligeant surtout de ne jamais tomber amoureux. Pourtant le jeune garçon va tomber sous le charme de Miss Acacia , une chanteuse de rues qui pourrait bien détraquer la fragile mécanique d son cœur....

Fidèle et intègre, Mathias Malzieu embarque dans le projet de Jack et la mécanique du cœur une bonne partie des gens qui ont participé au roman, à l'album musical et à l'aventure Dionysos. On retrouve donc comme co-réalisateur du film Stéphane Berla qui a mis en images plusieurs clips du groupe Dionysos comme Neige et Cloudman et Nicoletta Ceccoli qui avait assuré les illustration du roman se retrouve fort logiquement à la création graphique du film. Quand au casting vocal du film il se compose d'une bonne partie des artistes présent sur l'album assurant à l'ensemble une belle cohérence artistique. La première chose qui séduit en regardant Jack et la mécanique du cœur c'est sa poésie graphique et la beauté de ses images et de son univers. On pourra dans un raccourci un peu rapide rapprocher l'univers du film des longs métrages d'animations de Tim Burton pour l'ambiance gothique et la poésie macabre, mais très vite le film de Mathias Malzieu et Stéphane Berla trouve sa propre identité dans des références qui vont de Mélies à Tod Browning en passant par l'expressionnisme allemand, Prévert et Michel Gondry. En parcourant quelques critiques j'ai pu voir que certains reprochent à l'animation d'être un peu trop raide, à l'univers de manquer de détails... Des prétendus défauts auxquels j'ai du mal à souscrire ayant été totalement séduit par le graphisme particulier des personnages et la richesse des univers qu'ils vont traverser. Si les visages peuvent dans un premier temps sembler lisse et froid comme de la porcelaine il suffit de s'attarder un peu sur l'expression de leurs yeux pour comprendre leurs densités intérieures. Quand à l'univers graphique du film il réserve de magnifique moment d'imaginaire débridé comme le voyage en train vers l'Espagne semblant être bricolé en stop motion avec des trucages digne de Mélies, de folie comme le trip très rock'n roll dans le train fantôme, de noirceur gothique et de poésie lumineuse. Jack et la mécanique du cœur n'est sans doute pas parfait, mais plus encore que la beauté froide de la perfection il possède la séduction incontestable d'un charme bien particulier.

Si le film est estampillé tous public il se dégage de Jack et la mécanique du cœur une profonde mélancolie et le film s'avère même particulièrement noir pour un très jeune public. Certes la chanson Cunnilingus mon amour, présente sur l'album La mécanique du cœur, a disparu mais le film est loin de faire des compromis et d'adoucir les aspects les plus sombres de son histoire. Dés le départ on voit des oiseaux tombés morts gelés et une femme accouché d'un enfant que l'on place illico dans un étau pour lui arracher le cœur et le remplacé par une horloge... La suite sera souvent dans une même tonalité dépressive entre une cour d'école ressemblant à un univers glauque de film d'horreur gothique, des personnages de prostituées qui viennent se faire avorter, des mères qui meurent de chagrin en prison et des tortionnaires qui se font crever un œil on est assez loin de l'univers de Winnie l'ourson. Mais si le film ne joue pas sur le registre de l'optimisme béat et de la légèreté colorée, il reste toutefois lumineux dans sa bienveillance et la tendresse infinie avec laquelle il dresse les portraits de gentils freaks , de rêveurs et d'éclopés de la vie comme Jack et son cœur bricolé, Miss Acacia, ses épines et sa myopie, le vieux Arthur et sa colonne qui grince, les monstres de cirque ou Mélies et son imaginaire débridée. Il se dégage donc de cette romance tragique et impossible une douceur poétique capable de toujours transcender la noirceur et d'emporter ainsi le spectateur vers une fin à la fois bouleversante et apaisée. Car jamais Jack et la mécanique du cœur ne va dévier se sa trajectoire de drame romanesque tout en offrant un final suffisamment ouvert et une nouvelle fois poétique pour ne pas sombrer dans une émotion trop facile et factice. Une des grande force du film est aussi de faire ressortir les spectateurs avec le cœur léger là ou il devrait être plus lourd.

A moins d'être totalement allergique à la musique et à l'univers du groupe Dionysos, difficile de bouder son plaisir et de faire la fine bouche devant l'inventivité, l'énergie, la poésie et le charme de ce drame fantastique et musical capable de faire chavirer et détraquer les cœurs des spectateurs de cinq à cent ans. On retrouve au casting Mathias Malzieu himself dans le rôle de Jack et Olivia Ruiz dans celui de la belle et pétillante Miss Acacia, les échanges emplis de tendresse et d'émotion entre les deux personnages sont d'autant plus touchant et émouvant que les deux artistes ont un temps partagés leurs vies respectives. Le méchant Joe est interprété par Grand corps malade dont la voix caverneuse fait des merveilles , même si je reste assez hermétique à sa poésie déclamatoire, quant à l'immense Jean Rochefort, il prête sa voix inimitable et sa fantaisie à un Georges Mélies qui devient ici une sorte de mentor de l'imaginaire et de l'amour. C'est également avec pas mal d'émotion que l'on retrouvera Alain Bashung dont la voix d'outre tombe sied à merveille à son personnage de Jack l'éventreur. Le reste du casting mélange avec bonheur comédiens et chanteurs avec Rossy De Palma, Arthur H, Babet, Emily Loiseau, Dani et Marie Vincent.

Jack et la mécanique du cœur est donc un très très joli film d'animation, bourré de fantaisie, de poésie, d'humour et d'amour. Mathias Malzieu et Stéphane Berla réussissent haut la main cet improbable pari de mélodrame musical et animé et m'offre par la même occasion mon premier coup de cœur cinématographique de 2014.

Ma note: 08,5/10