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Neuf mois ferme de Albert Dupontel
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Neuf mois ferme
de Albert Dupontel
France - 2013 - Comédie
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Albert Dupontel est de retour pour son cinquième film en tant que réalisateur après Bernie, Le créateur, Enfermés dehors et Le vilain. Un temps prévu en langue anglaise avec Emma Thompson et Ewan McGregor sous l'impulsion de son mentor Terry Gilliam c'est finalement en France pour une liberté artistique totale que Albert Dupontel a finalement décidé de tourner Neuf mois ferme.
Neuf mois ferme c'est l'histoire d'une juge aux mœurs stricte, carriériste, célibataire endurcie et rigide ayant décidé de faire passer sa réussite professionnel bien avant sa vie privée. Pourtant la jeune femme découvre presque par hasard qu'elle est enceinte et des test de paternité vont vite révéler que le père serait Bob, un criminel poursuivie pour vol et actes de tortures atroces sur une personne âgée. Arianne Felder va alors de tenter de comprendre comment elle a pu se retrouver enceinte de ce curieux phénomène...
Neuf mois ferme est une comédie française vraiment drôle et rien que pour cela on aurait envie d'élever une statue à Albert Dupontel. Pour son cinquième film le réalisateur nous offre un véritable cocktail explosif des univers mis en place lors de ses précédents films tout en trouvant un équilibre presque parfait entre ses divers aspirations. On retrouve dans Neuf mois ferme à la fois la folie vacharde et trash de Bernie, les expérimentations artistiques de pur mis en scène du film Le créateur, la tendresse de Enfermés dehors et la folie ouvertement cartoonesque de son précédent film Le vilain. Car oui, on peut faire de la mise scène y compris dans une comédie se déroulant presque toujours en intérieur avec quelques personnages et Albert Dupontel ne s'en prive pas débutant notamment son film par un très joli plan séquence, jouant de travelling circulaire pour montrer le rapprochement de ses personnages et revisitant le found footage lors de le très amusante séquence montrant Arianne Felder découvrant à travers des caméras de surveillance la nuit durant laquelle elle s'est retrouvée enceinte. Dupontel s'amuse aussi de l'écriture cinématographique comme lorsque Bob tente d'expliquer maladroitement comment ce vieil homme a pu se retrouver amputés des 4 membres et avoir les yeux arrachés (Suicide, panne d'électricité), le film montre alors une sorte de flashback dans lequel le personnage de la scène doit attendre et patienter le temps que le narrateur trouve ses mots pour faire avancer l'action. Dupontel aime l'image et la mise en scène et ce n'est donc pas un hasard si Jan Kounen, Gaspar Noe et Terry Gilliam font de très courtes apparitions dans le film.
Cote humour on retrouve donc un peu de la rage de Bernie d'autant plus que Bob interprété par Albert Dupontel semble être un lointain cousin dégénéré de l'inoubliable Bernie Noël. On retrouvera donc aussi le phrasée si particulier de l'acteur immortalisé par ses premiers sketchs et quelques séquences à la fois burlesque et trash comme les folles tentatives de Bob pour expliquer les atrocités dont a été victime ce pauvre vieil homme. L'humour purement cartoonesque est lui aussi présent mais bien mieux canalisés que dans les deux derniers films du réalisateur et ici c'est essentiellement le comédien Philippe Uchan qui va s'en prendre plein la gueule pour le plus grand plaisir des spectateurs. Les répliques vachardes, burlesques où absurdes toujours font mouche et Albert Dupontel offre à ses acteurs de très grand moments de comédie comme à Nicolas Marriè absolument génial en avocat bègue et complètement con dont la plaidoirie finale absurde rappellera de très bon souvenirs aux fans de la première heure de Dupontel et de son sketch La plaidoirie. La participation amicale de Jean Dujardin commentant les informations en langage sourd muet vaut également au film quelques moments vraiment très amusant. Et puisque le cinéma semble aussi être une affaire de famille pour Dupontel on retrouve quelques habitués de son univers de doux dingue avec Bouli Laners, Yolande Moreau et Phillipe Duquesne. Toujours un poil anarchiste dans l'âme, Dupontel profites de son film pour charger la justice et la police avec quelques répliques qui claquent comme « il est pas débile, sa tête fonctionne bien, il pourra pas faire flic alors » et des personnages certes caricaturaux mais très drôles comme Christian Hecq en Lieutenant de police à la Olivier Marchal mais en version très, mais alors très con.
Et puis Albert Dupontel offre un rôle absolument génial à Sandrine Kilberlain dont toute la force comique vient du fait que le personnage n'a justement rien de vraiment drôle durant les trois quart du film. Sorte de figure placide de l'ordre le personnage de Arianne Felder est surtout très amusant de par ses réactions devant une vie trop rangée qui semble partir soudainement à la dérive et vers l'absurde. Le duo Kiberlain / Dupontel fonctionne du tonnerre et c'est avec un plaisir réellement jubilatoire que l'on suit les échanges tantôt musclés et tantôt rempli de tendresse des deux comédiens. Sandrine Kiberlain est juste et drôle dans absolument tout ce que Dupontel lui donne à jouer, du pur burlesque lorsqu'elle se mange un poteau où un mur au plus trash comme lorsqu'elle mime une fellation en passant par le comique de situation et le sens dialogue. Et puis derrière cet humour bien rentre dedans, cette folie menée sur un tempo absolument frénétique transparaît une vraie et profonde tendresse pour ses personnages et cette improbable histoire de deux personnages pas vraiment destinés à devenir parents.
On pourra toujours préféré la folie furieuse et l'anarchie vacharde de Bernie, pourtant Neuf mois ferme pour son équilibre parfait, sa tendresse, son humour, son écriture ciselé, son sens du tempo comique et sa mise en scène inspirée sans être tape à l’œil est peut être tout simplement le meilleur film de Albert Dupontel.
Ma note: 08,5/10
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