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The tree of life de Terence MALICK
La rédaction d'une critique est parfois un exercice difficile et une sorte de casse tête intellectuel surtout lorsque le film échappe justement à l'analyse classique pour ne laisser que des sentiments profonds, parfois indescriptibles et quasiment intimes. Je ne sais pas vraiment en commençant cette critique de The tree of life si je vais pouvoir expliquer, analyser, rationaliser toutes les raisons pour lesquelles je considère le nouveau film de Terence Malick comme une merveille absolue. Depuis maintenant quelques jours le film et les sensations tournent en boucle dans ma tête, les tentatives d'explication me glissent parfois entre les doigts, la richesse thématique du film m'obsède, la beauté de ses images me hante, le besoin de comprendre occupe mon esprit et la puissance du film me bouleverse. Si The tree of life est objectivement un film difficile à critiquer c'est certainement car il propose une expérience cinématographique, poétique et sensorielle tellement novatrice qu'elle échappe à notre façon habituelle et « mécanique » de regarder le cinéma.
The tree of life est donc le cinquième film de Terence Mallick en quarante ans, un réalisateur rare dans tous les sens du terme qui aura une nouvelle fois fait attendre presque deux ans avant de sortir son nouveau et dernier film en date. The tree of life a connu les honneurs d'une sélection officiel à Cannes et les remous d'une projection polémique saluée par des huées, des sifflets et des applaudissements. Le film de Terence Malick divise souvent de manière catègorique, une preuve que le réalisateur ne laisse personne indifférent et propose un cinéma radicale et artistiquement intègre. Et puis une polémique à Cannes c'est presque l'assurance de voir au bout du compte un bon film comme l'atteste Irreversible, Antichrist ou La lune dans le caniveau.
The tree of life raconte l'histoire d'un deuil qui vient frapper de plein fouet une famille américaine. La mort d'un jeune homme de dix neuf ans qui va pousser ses proches à s'interroger sur le sens de la vie, remettre en cause jusqu'au vertige l'équilibre de l'existence. Jack l'un des frères du défunt souffrira à postériori d'une grosse crise existentielle qui lui fera reprendre le fil de ses souvenirs à la recherche de ce frère perdu et du sens de sa propre vie.
The tree of life n'est pas un film linéaire et Terence Malick ne nous raconte une histoire en nous emmenant tranquillement d'un début vers une fin, le récit brouille les époques, multiplie les points de vues livrant sans une continuité apparente les souvenirs et points de vues métaphysiques de différents personnages. On passe donc des questionnements d'une mère interrogeant sa foi devant la violence de la perte d'un enfant, aux souvenirs d'un frère recherchant une chaleur passé et oublié et aux interrogations d'un père questionnant ses valeurs éducatives. Dans cette profusion de sentiments Terence Malick ose aller jusqu'à la genèse du monde comme si la mort ne pouvait de fait qu'entrainer un questionnement profond sur le sens et les origines de la vie. Cette longue séquence visuellement fascinante devrait pourtant laisser plus d'un spectateur de marbre et totalement déboussolé de voir arriver sur l'écran des molécules, des planètes et des dinosaures. Le film reprend ensuite une structure plus classique en nous plongeant dans les souvenirs d'enfance de Jack pour plus d'une heure de pur bonheur cinématographique.
Le cœur du film est sans doute ici, dans cette façon magnifique que Terence Malick a de filmer la vie et les frémissements intimes du bonheur. La puissance évocatrice et sensorielle des images de The tree of life est tout simplement sublime à tel point que l'on se surprend à sourire et pleurer en retrouvant parfois des moments intimes notre propre enfance. Il est presque impossible de décrire à quel point les images de Malick sont puissantes, charnelles, mélancoliques, sublimes, vivantes, bouleversantes et avec quel tact il parvient à saisir des sensations indescriptibles. The tree of life est une expérience intime et sensorielle intense qui emporte le spectateur dans une sorte de symphonie glorifiant d'une manière magistrale l'enchantement des moments les plus simples et les plus purs de la vie. Terence Malick est un épicurien et un amoureux de la nature pour qui il faut se délecter de tout ce qui vit, de tout ce qui est beau sur terre comme du vent dans nos cheveux, de la pluie sur notre peau et des jeux d'ombres et de lumières du soleil.
Mais Terence Malick ne nous montre pas seulement la félicité de l'enfance et aborde à travers les souvenirs de Jack une multitude assez hallucinantes de thématiques propres à l'enfance et l'adolescence comme la perte de l'innocence, la naissance du désir, le besoin de transgression des interdits, la conscience de la mort, le complexe œdipien, la difficulté à devenir un individu au sein d'un groupe.... The tree of life est un film d'une richesse rare, à tel point qu'il faudrait sans doute le voir et revoir des dizaines de fois pour commencer à simplement en saisir les contours thématiques. Car durant tout le film Terence Malick oppose également des éléments comme la grâce et la nature, le père et la mère, l'autorité et l'insouciance, le bien et le mal..... Des pôles et des idées parfois diamétralement opposés mais avec lesquels il faut trouver une forme d'équilibre pour se construire en tant que homme et individu. Terence Malick pointe également du doigt que nous sommes le fruit de notre éducation et que nous nous construisons dans les premières années de notre vie par l'amour, par les interdits, par l'expérience, par l'apprentissage et par la solidarité.
The tree of life est donc une poème philosophique et humaniste d'une puissance fulgurante et il convient de saluer la magnifique mise en scène de Malick et sa capacité à créer des images qui vont bien au delà de la simple beauté graphique. Le film est une pur merveille de mise en scène et l'on se délecte à chaque seconde de la maitrise hallucinante de Terence Malick à filmer la vie, la nature, l'amour, l'innocence à coup de travelling merveilleux , de plongées vertigineuses et de contre plongées nous mettant face à la grandeur des éléments. On peut associer à la puissance de ses images le chef opérateur Emmanuel Lubezki (Les fils de l'homme – Le nouveau monde – Sleepy hollow) et la musique superbe de Alexandre Desplat. Et puis il faut bien évidemment saluer les performances des comédiens et comédiennes en commençant par Jessica Chastain bouleversante mère à la beauté diaphane, Brad Pitt superbe en père autoritaire et enfermé dans ses propres contraintes, Sean Penn même si son rôle est finalement bien sommaire et surtout les gamins du film tous extrêmement justes et émouvants.
The tree of life divise également sur sa soit disante bondieuserie, sur son imagerie new-age d'une forme de paradis et ses interrogations permanentes sur Dieu. Tout d'abord il convient de rappeler que le film adopte les points de vues de différents personnages ayant vécus dans une époque et une éducation religieuse stricte, ensuite Terence Malick interroge plus notre besoin de croire qu'il n'impose une vision ou une doctrine idéologique ou religieuse. Une grande partie du film est basé sur une dualité entre la grâce et la nature, le divin et l'organique le film commence d'ailleurs par cette phrase « Il y a deux voix dans la vie, celle de la grâce et celle de la nature. Il faut choisir la sienne ». La force de The tree of life est peut être justement de montrer que ce choix est impossible, qu'il faudra composer avec les deux et que c'est précisément ses interrogations qui font de nous des hommes aimants et capables de sentiments. La figure de la mère représente la grâce, la beauté, la nature et celle du père le pragmatisme, le terre, la rigueur et l'ordre mais comment choisir entre son père et sa mère ? Nous sommes des êtres à le fois biologiques et spirituels, notre corps est nature et notre esprit bien mystérieux. Sans être religieux ou catholique n'avons nous pas tous des simples interrogations sur la vie qui dépasse le cadre de la nature et de la science, n'aspirons nous pas tous à l'hypothèse folle de retrouver un jour des êtres perdus que nous aimions ? The tree of life n'a pas de réponses, il ne pose que des questions et ne livre finalement qu'une seule morale celle de l'amour de ses proches, de la nature et d'une recherche permanente du bonheur dans le moindre frémissement de vie.
The tree of life est un poème sublime, une symphonie majeure de sensations intimes et profondes, un film qui va sans doute bouleverser autant de monde qu'il en laissera totalement indifférent. L'art est comme cela il ne se donne qu'à celles et ceux qui sont capables d'ouvrir leur cœur et leur esprit pour se laisser transporter dans l'univers d'un autre. L'art ne s'explique pas il se ressent, il ne se mesure pas il se vit, il ne s'analyse pas mais il s'impose à nous..... The tree of life est juste à tous mes sens et mon esprit un chef d'œuvre absolu.
Ma note : 10/10 .... Et juste pour le plaisir quelques images en plus.
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